Les personnages de fiction inspirés par de personnages réels (part 1)
Vous avez déjà tous lu cette phrase, ou une de ses variantes, en préambule d'une œuvre de fiction : "Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait totalement fortuite." Saviez-vous qu'on doit cette précaution à Raspoutine ?
En 1932 sort aux États-Unis le film Raspoutine et l'impératrice de Richard Boleslawski. Un an plus tard, Félix Ioussoupov qui se reconnait sous les traits de Paul Chegodieff porte plainte contre la MGM en reprochant les inexactitudes le concernant. Le procès en diffamation aboutit à une condamnation des studios à verser 125.000 dollars de dommages et intérêts. Il faut dire que le film ouvrait sur cet avertissement "Certains des personnages sont toujours en vie – les autres ont rencontré une mort violente", ce qui excluait de fait l'œuvre de totale fiction. Grave erreur. Depuis, pour éviter de telles déconvenues, la ressemblance éventuelle des personnages de fiction est fortuite ou pure coïncidence. Petite info rigolote, le film ne reçut qu'une seule nomination aux Oscars, celle de la meilleure histoire... originale.
Tout cela prouve que la frontière entre fiction et réalité est des plus poreuses. Après l'article sur les personnages de fiction les plus riches, je vous invite à découvrir dans cette nouvelle série ceux qui ont emprunté à la réalité et à des personnages ayant vraiment existé.
Cobra / Jean-Paul Belmondo
Si vous êtes trentenaire ascendant Club Dorothée, vous connaissez l'animé issu du manga de Buichi Terasawa. Venu de nulle part, c'est Cobra. Plus vif que le serpent, c'est Cobra. Ça y est, vous avez la chanson du générique en tête ? 😉 Cobra, c'est un corsaire de l'espace avec un bras laser dont le physique et la personnalité s'inspire d'un de nos plus grands acteurs français, Jean-Paul Belmondo. Le personnage possède le nez cassé de Belmondo, son amour des cigares et des jolies filles, et son sens de l’humour en toute circonstance. Si vous connaissez l'histoire de Cobra, vous savez que le visage qu'on lui connait est le résultat d'une opération de chirurgie esthétique qui lui permet d'échapper à ses ennemis. Il subit dans le même temps un lavage de cerveau. Espace, lavage de cerveau et nouvelle personnalité, ça ne vous rappelle pas quelque chose. Mais oui, Total Recall ! Ce n'est pas "pure coïncidence" puisque les deux histoires s'inspirent d'une même nouvelle de Philipp K. Dick, Souvenirs à vendre.
Jean-Paul Belmondo a également inspiré un autre personnage de fiction, du côté de la bande dessinée franco-belge. De l'aveu même du dessinateur Jean Giraud/Moebius, "Au début de Blueberry, je me suis choisi Jean-Paul Belmondo comme avatar fantasmé de moi-même. Il incarnait une agilité féline, décontractée, américaine, un charme gouailleur et sinueux, une sorte de Michel Simon jeune et athlétique, au service de films d'avant-garde. L'antithèse d'un Alain Delon."
Dans les comics, on a l'habitude de voir physiquement évoluer les personnages parce que les dessinateurs n'en étant pas les propriétaires, ils changent régulièrement, tout comme le style de dessin. Pour Blueberry, c'est une vraie volonté du dessinateur de renouveler l'inspiration, à la fois physique et psychologique, pour le capitaine. Après Belmondo, d'autres acteurs inspireront les crayons de Giraud comme Charles Bronson, Clint Eastwood, Arnold Schwarzenegger, Vincent Cassel, Keith Richards. On doit également à ce dernier le look d'un autre personnage, un pirate du nom de Jack Sparrow. On reste chez Disney, on reste dans la piraterie mais ce n'est pas de Pirates des Caraïbes dont je vais vous parler maintenant.
Capitaine Crochet / Hans Conried
Vous ne le savez peut-être pas mais la plupart du temps, la conception d'un dessin animé, une fois le scénario validée, commence par l'enregistrement des voix. Et c'est seulement quand cette phase est finalisée que les dessinateurs entrent en scène. En 1953, les studios Disney sortent leur nouvelle production tirée d'un roman de James Matthew Barrie, Peter Pan. La voix de l'antagoniste du héros est celle de l'acteur Hans Conried qui se donne tant quand il interprète Crochet en studio d'enregistrement, allant même jusqu'à se fondre dans les oripeaux du personnage, que les animateurs décident d’utiliser son image pour croquer le pirate manchot. Petit aparté, saviez-vous que dans le roman, le personnage.avait le crochet à droite alors que dans le dessin animé, il l'avait à gauche ? Un changement qui a permis de faciliter l'animation d'actions simples comme l'écriture. Crochet aurait pu être gaucher mais la question ne se posa pas, sans doute parce que les animateurs étaient majoritairement droitiers.
Pour revenir à l'inspiration, une autre version, étayée par les bonus de la version collector du DVD du classique Disney, affirme que Crochet doit ses traits au roi espagnol Carlos II (1661 - 1700) dit l’Ensorcelé qui fut également roi des Indes, de Naples, de Sardaigne, de Sicile, duc de Bourgogne et de Milan et souverain des Pays-Bas, rien que ça. Mais rien ne dit que l'inspiration ne provient que d'une seule et unique source. Je pense même, au contraire, que la singularité d'un personnage est due à la richesse de ces biais d'inspiration.
Indiana Jones / Hiram Bingham III
Pour les deux premiers personnages de l'article, c'est essentiellement l'inspiration physique qui est abordée. Cette fois, il sera difficile de jouer au jeu des sept erreurs avec les photos d'Harrison Ford et d'Hiram Bingham III. Mais parlons un peu de ce dernier. Même si son nom ne vous dit probablement rien, on lui doit une des plus grandes découvertes archéologiques du XXe siècle, le Machu Picchu qu'il a débusqué en 1911, devenue l'une des 7 nouvelles merveilles du monde, excusez du peu, Bon, un peu par hasard parce qu'il cherchait Vilcapampa, la cité perdue des Incas. Mais c'est le résultat qui compte, n'est-ce pas. On reparlera des merveilles du monde dans un futur article mais si je vous dis que parmi elles se trouve également Pétra qui sert de cadre à Indiana Jones et la Dernière Croisade, Un hasard ? Euh, oui, carrément. Il ne faut pas toujours tenter de trouver des liens avec tout, allons !
Bingham était un archéologue travaillant comme prof d’histoire à Princeton. Comme Indiana Jones, il profitait de ses temps morts dans son enseignement pour aller pratiquer des fouilles pendant lesquels il portait toujours un Stetson. Convaincus ? OK, je continue.
L'historien Christopher Heaney nous apprend dans son livre Cradle of Gold (pas traduit en France à ma connaissance) que le créateur de costumes travaillant sur Les aventuriers de l'arche perdue s'est inspiré du personnage joué par Charlton Heston.dans le film Secret des Incas (1954) pour créer l'image emblématique d'Indy. Il y joue le rôle de Harry Steele, ancien pilote de guerre sur la piste d'un bijou inca au Pérou. Il fera la rencontre du docteur Moorehead en fouille sur le site du Macchu Picchu. Ah, vous voyez ! Et je pense pouvoir vous convaincre si je vous dis que le costumier a découvert le film après avoir lu quelques articles dans National Geographic sur les explorations de Hiram Bingham. Et là, vous vous dites : "Bon OK, pour le costume, je ne dis pas. Mais le scénario, le personnage, tout ça est antérieur à la création esthétique du personnage, non ?" Et vous auriez raison. J'ai encore un as dans ma manche, un coup à trois bandes auquel vous ne vous attendiez pas, un magnifique twist. Georges Lucas s'est également inspiré de Secret des Incas dont le scénario doit beaucoup à un livre sorti en 1948 intitulé Lost City of the Incas écrit par un certain... Hiram Bingham III.
Sources : wikipédia, slate.fr, allocine.fr, le-toaster.fr, lemonde.fr, topito.com, www.inverse.com