10 infos étonnantes sur les champignons
"Les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon cœur d'une langueur monotone. Tout suffocant et blême, quand sonne l'heure, je me souviens des jours anciens et je pleure." C'est bien, hein ! C'est de Verlaine. Moi aussi, quand l'automne arrive, je deviens nostalgique. Étant plus gourmand que poète, je troque volontiers les violons du pauvre Lélian (anagramme quand tu nous tiens) contre les champignons de mon père. Après le trauma de la rentrée des classes, ce qui me faisait tenir quand j'étais minot, c'était nos sorties mycologiques. Que cela soit en forêt ou dans les prés, nous avions nos "coins". Nous repérions ceux qui s'arrêtaient aux bords de la route et repartaient avec des coffres pleins de rosés de prés, de pleurotes ou de beaux cèpes bordeaux. Le temps maussade de ses derniers jours m'a inspiré le thème de l'article du jour. Je vous invite à découvrir quelques infos étonnantes, incroyables, bluffantes sur les champignons. Petit bonus, vous aurez même droit à quelques conseils culinaires pas piqués des hannetons.
1 - Il est vieux mon champignon, il est vieux !
On a l'habitude de découvrir des fossiles de tout, d'animaux, de feuilles, de coquillages mais rares sont les fossiles de champignons dans la mesure où ces derniers sont fragiles et se dégradent très rapidement.
En 2017 au Brésil, des scientifiques en ont mis un à jour datant d'environ 115 millions d'années, directement du Crétacé inférieur. À l'époque, y avaient encore des dinosaures sur Terre. Cinq centimètres de haut, semblable à ceux que nous connaissons aujourd'hui dans l'ordre des Agaricales. En clair, c'était un proche des champignons de Paris. Avant cette découverte, seulement dix champignons entiers fossilisés avaient été trouvés, dont le plus ancien remontait à 99 millions d'années.
Pourtant, depuis quelques mois, la donne a changé. En effet, des biologistes belges ont annoncé en mai dernier avoir daté les plus anciens champignons de la planète grâce à un nouveau fossile découvert au Canada. Et là, on va faire un sacré bond dans le temps puisqu'on parle, tenez vous bien (tenez vous mieux, on voit tout !) d'un milliard d'années. Ça fout le tournis. Bon, cette fois, il ne ressemble plus vraiment à nos champignons classiques avec un pied et un chapeau mais cela offre une perspective nouvelle dans l'évolution de notre planète. Même si on estime que la plus ancienne plante au monde, une algue rouge, serait apparue il y a 1,6 milliard d'années, les champignons auraient très certainement participé à la colonisation terrestre des plantes. Mieux, ils sont annonciateurs d'une faune aux mêmes dates puisque champignons et animaux partageaient la même branche d'êtres vivants, avant qu'elle se sépare en deux.
2 - À l'odeur, il est pas frais ton champi !
Qu'est-ce qui nait en forme de couille et devient teub à l'âge adulte ? Un champignon, bien sûr ! Mais pas n'importe lequel. De ceux qu'on sent avant de voir. Et pas une odeur de rose, je peux d'expérience vous l'assurer. Son nom latin comme son nom commun sont pour le moins évocateur. Il s'appelle phallus impudicus ou encore satyre puant. On le nomme aussi œuf du diable dans son état couillesque. On le trouve dans les bois, le plus souvent aux alentours des vieilles souches. Attention toutefois, si vous en trouvez un au bois de Boulogne, si ça se trouve, ça ne sera pas un champignon.
J'ai volontairement utilisé sa photo pour illustrer l'article en croisant les doigts que les partages sur Facebook ne me pose pas préjudice. C'est qu'ils sont puritains ces américains. Pour revenir à son fumet, on dit qu'il ressemble à celui d'un cadavre en putréfaction. N'ayant pas de points de comparaison, je ne peux pas vous l'affirmer.
L'œuf, débarrassé de sa gélatine, avant qu'il soit puant est comestible, de préférence cru. On peut le déguster en salade. Il a un goût le situant entre le radis et le raifort. Par contre, ne manger pas la teub non comestible, même avec capote. De toute façon, avec son odeur de pourriture, faudrait vraiment avoir faim.
3 - Puisqu’on parle d'odeur forte...
Vous connaissez la vesse ? Un petit tour dans le dico vous amènera à lire la définition suivante : Gaz intestinal malodorant qui sort de l'anus sans bruit. Ce qu'on appelle aussi un vicieux. Allez, petite liste de synonymes pour votre plus grand plaisir :
ballonnement
bombus
caisse
cloque
flatulence
flatuosité
fouet
gaz
loufe
perle
perlouse
pétard
prout
teps
vent
vesse
Mais comme nous parlons de champignons, c'est de la vesse de loup géante dont je vais vous parler. On l'appelle aussi Lycoperdon perlatum (comme par hasard), Boviste géant ou encore Tête de mort. Il faut dire que quand on la voit dépasser de la verdure, avec sa forme et taille d'un bon ballon de foot blanc, on peut, surtout aux alentours d'Halloween, se demander si on ne vient pas de découvrir un crâne humain. Les plus grandes peuvent atteindre 25 kg avec une taille d'un mètre de haut pour les plus exceptionnelles.
Malgré son nom, ce champignon ne pue pas. À la limite, il exhale une odeur de farine fraîche. Vieux, il est empli de spores qui s'expulsent sous sorte de fumée brune, leur façon de se multiplier. Jeune, par contre, c'est un champignon délicieux. Je garde un souvenir ému de tranches d'environ 1 centimètre d'épaisseur passées dans l’œuf, la farine et la chapelure puis cuite à la poêle avec un peu de beurre et d'huile. Le petit Jésus en culotte de velours.
Pour tout vous dire, j'ai une vraie histoire avec ce champignon dans la mesure où il m'a valu l'honneur de deux apparitions dans le journal. La première fois, j'avais quelques mois et je me suis retrouvé photographié en Belgique aux côtés d'une grosse récolte de vesses de loup dont certaines étaient presque aussi grosses que moi. Quelques années plus tard, je devais avoir aux alentours des 10 ans, j'ai à nouveau posé avec ce champignon rond pour La Voix du Nord, un spécimen énorme que nous avions trouvé mon père et moi.
4 - Les ronds de sorcières
Quand, mon père et moi, nous allions à la chasse aux clitocybes dans les bois, nous avions une astuce. Déjà, on avait nos coins. Nous savions où les trouver, dans quelles parties de notre bois habituel il fallait chercher. Mais surtout, quand nous en dénichions un, nous savions où trouver les autres grâce aux ronds de sorcières. Ce champignon, comme beaucoup d'autres d'ailleurs pousse en colonie avec la particularité que cette dernière forme un rond quasi-parfait qui, selon les espèces croit de 20 centimètres à 1 mètre par an. Ces cercles peuvent être impressionnants. On a pu en observer en Amérique du Nord avec des diamètres de 600 mètres.
Au moyen-Âge, ce phénomène prêta le flanc à bon nombre de superstitions. On imaginait que les champignons poussaient à l'emplacement de danses de sorcières invoquant le Malin. Le nom est resté.
5 - Champi2 = homard
La russule à pied court est un champignon qui pousse en Amérique du Nord. Il est comestible mais un peu fade. Comme la nature est une grande magicienne, il lui arrive de lui offrir une destinée plus flatteuse par l'intermédiaire d'un autre champignon le parasitant. Quand la Dermettite de la russule vient se propager sur lui, il passe d'une couleur blanche à un vif oranger et acquiert l'odeur et un léger goût de homard. Pour concentrer l'effet de cette incroyable transformation, il est préférable de faire sécher la russule. Étonnant, non ?
Si l'expérience culinaire vous tente, vous pouvez en commander en ligne ici.
6 - Soljenitsyne et le champignon anti-cancer
Alexandre Soljenitsyne, auteur russe ayant reçu le Prix Nobel de littérature en 1970, raconte dans son roman L’archipel du Goulag qu’un champignon lui aurait soigné un cancer à un stade avancé. Il est à l'époque emprisonné en Sibérie et est soigné avec un traitement à base d’une décoction de chaga, un champignon qui pousse sur les troncs des vastes forêts de Sibérie.Tout grand auteur qu'il est, il n'a pas reçu le Prix Nobel de science. Peut-on décemment le croire ?
Il faut savoir que ce champignon est connu depuis très longtemps en Asie où il porte des noms évocateurs comme "don de Dieu", "champignon de l’immortalité", "roi des plantes" ou encore "diamant de la forêt". On trouve des traces d'utilisation du Chaga il y a plusieurs siècles en Asie orientale où il était utilisé pour ses propriétés antioxydantes. Depuis, les secrets du Chaga et ses différentes utilisations sont transmises de génération en génération en Chine septentrionale et en Corée. Dès 1958, la science s'en empare. Des chercheurs russes et finlandais découvrent que le Chaga posséde de puissantes capacités pour combattre le cancer, notamment celui du sein, du foie et de l’utérus. Plus près de nous, dans années 90, des chercheurs japonais ont à nouveau démontré l’efficacité des extraits de Chaga dans le ralentissement du développement des cellules cancéreuses et de la croissance tumorale.
Bien sûr, toutes ces informations sont à prendre avec des pincettes.
7 - Puisqu'on parle de champignon "miracle"...
... Parlons de la pénicilline. Parce que oui, la pénicilline, c'est un champignon, comme toutes les "moisissures". Ce fut également le premier antibiotique. On doit sa découverte en 1928 à l'écossais Alexander Fleming même si un médecin français, Ernest Duchesne, publie en 1897 une thèse de médecine intitulée "Contribution à l’étude de la concurrence vitale chez les micro-organismes : antagonisme entre les moisissures et les microbes" dans laquelle il étudie les propriétés curatives du Penicillium glaucum. Oui parce que mon gars Fleming, il faut le savoir, doit sa postérité à la bévue de son voisin de paillasse dont les expériences le champignon Penicillium notatum avaient contaminé les siennes. Ça tient à peu de choses, parfois, les grandes découvertes. D'autant que les implications et les utilisations médicales ne furent comprises et élaborées qu'en 1939 grâce aux travaux de Howard Walter Florey, Ernst Chain, et Norman Heatley.
8 - Les champignons de Paris sont-ils vraiment de Paris ?
La première fois que l'on cultive l'Agaricus bisporus - c'est le nom scientifique du Champignon de Paris - c'est Jean de La Quintinie qui s'y colle. Nous sommes en 1670 et notre ami Jean est alors jardinier de Louis XIV. La classe ! Mais il est où le Roi soleil à l'époque ? Mais oui, il est à Versailles. Et donc les premiers champignons de Paris sont versaillais.
Aujourd'hui, c'est la région de Saumur qui est devenue la première source française de Champignons de Paris. Encore raté ! Pire, la plupart de ceux que l'on trouvent dans nos assiettes viennent de Chine, des États-Unis, des Pays-Bas et de Pologne.
Et si vous souhaitez savoir ce qui s'est passé entre Louis XIV et la boîte de champi de votre étagère, je vous invite à visionner ce qui suit. Le gars est énervant avec sa façon de terminer ses phrases mais la vidéo est passionnante.
9 - Étymologiquons gaiement
Le terme "champignon" vient de l'ancien français du XIIIe siècle champignuel qui signifiait "petits produits des campagnes". Il a donc la même origine que "campagne". La science des champignons s'appelle la mycologie, mot qui vient du grec mykès qui signifie logiquement "champignon".
Côté anglais, c'est le mousseron qui aurait donné mushroom.
10 - Quelques chiffres étonnants sur les champignons
- Les mycologues estiment qu’il existe au moins 1,5 millions d’espèces de champignons sur la planète dont 100 000 seulement ont été décrits.
- En France métropolitaine, on évalue à environ 30 000 le nombre d'espèces de champignons. Le nombre de champignons répertoriés s’élève seulement à un peu plus de la moitié.
- Le champignon Armillaria bulbosa serait le plus grand organisme sur terre. En effet, une colonie couvrirait une forêt de 86 hectares dans le nord du Michigan.
- L'eau constitue entre 85 % et 95 % de la composition des champignons.
- Le Ganoderme des artistes peut produire 4 500 milliards de spores en une saison.
- À part les racines des arbres, les champignons constituent 90 % de toute la matière vivante des sols forestiers.
- 3 millions de tonnes de champignons sont produites par an. 40% en Chine, 35% en Europe et 13% aux États-Unis.
- Le shiitaké japonais est le deuxième champignon le plus consommé au monde juste derrière le champignon de Paris.
- La production mondiale de truffes noires est actuellement de 100 tonnes par an. La France, l'Italie et l'Espagne en fournissent à elles seules 99 %.
Sources : Futura planète, Wikipédia, gerbeaud.com, www.mycoquebec.org, www.acteur-nature.com, champignon-sante.fr, radisrose.fr, www.kloranebotanical.foundation, /www.virtualmuseum.ca