La galanterie, une pratique archaïque ? (part 1)
Les articles du blog, généralement, voguent sereinement sur une mer de futilité, loin des rivages du quotidien et des longues grèves plates. Je vous propose aujourd'hui d'aborder un sujet devenu délicat dans notre société actuelle, la galanterie. Je vais m'intéresser au mot, à son histoire, son évolution et, enfin, à son utilisation devenue problématique de nos jours. Comme il y a beaucoup à dire sur le sujet, l'article sera en deux parties.
Mettons-nous tout de suite d'accord sur sa définition. La galanterie est une disposition à se montrer courtois envers les femmes, à les traiter avec déférence, à les entourer d'hommages respectueux, d'aimables prévenances. L'homme blanc de plus de cinquante ans que je suis se positionne instinctivement dans un sentiment positif à l'idée de faire montre de galanterie. Le monde me prouve régulièrement que je ne suis pas forcement dans le vrai, que ma pensée par certain côté est archaïque, que le combat des femmes doit aussi passer par l'ablation de cette douce coutume au nom de l'égalité des êtres tous sexes confondus. La galanterie, c'est supposer qu'il existe un sexe faible qui doit être chouchouté et que, par ricochet, celui qui la pratique se considère comme supérieur, niant ainsi toute forme d'équité. Parce qu'il n'y a pas d'équivalent des femmes envers les hommes, tuons la galanterie. Je comprends le raisonnement mais une partie de moi n'arrive pas à complètement adhérer au fait que la galanterie, c'est le mal. Victime de mon éducation, je suis. Je ne nie pas dans mon for intérieur qu'une femme doit être payée autant qu'un homme quand je tiens la porte. Je ne relie pas les deux. Ai-je tort ? Dois-je modifier mes habitudes au nom du combat des femmes ? C'est une vraie question que je me pose en même temps que je vous dévoile mon âme et mon envie d'en savoir plus sur ce qu'est vraiment la galanterie.
Synonymes, la liste
Mon plaisir à compiler des listes ne restera pas à la porte. Je vous propose les équivalents du mot galanterie répertoriés par l'excellent site cnrtl.fr, par ordre alphabétique.
affabilité
affaire
agrément
alcôve
amabilité
aménité
amour
assiduité
aventure
babiole
badinage
bagatelle
bluette
bricole
civilité
commerce
complaisance
compliment
coquetterie
coucherie
cour
courtoisie
débauche
déférence
délicatesse
distinction
douceur
élégance
empressement
fadaise
fadeur
fleurette
flirt
fredaine
gentillesse
grâce
intrigue
liaison
libertinage
madrigal
marivaudage
passade
pelotage
polissonnerie
politesse
poursuite
préciosité
prévenance
propos
prostitution
respect
séduction
tendresse
Première remarque, beaucoup des synonymes de galanterie s'apparente à la sexualité, à un but à atteindre, le pieu. Être aimable à outrance, mentir dans l'exagération, flatter l'autre à des fins personnelles, il y a un mot pour ça, l'hypocrisie.
Deuxième remarque, cette liste est le reflet de différentes définitions, pas toujours d'actualité, que je me propose de vous dévoiler :
- Art de plaire en société, par une allure élégante, une politesse raffinée, des procédés obligeants, etc.
- Procédé, présent, propos qui dénote une certaine élégance, obligeance, etc., et où se marque l'intention d'être agréable.
- Ce qui se distingue par sa délicatesse, sa mignardise.
- Tendance à rechercher la compagnie des femmes et à leur plaire par un empressement flatteur, des amabilités piquantes.
- Disposition à courtiser une femme en vue de la conquérir, comportement traduisant une tendre inclination.
- Procédé, présent, propos très aimable, qui manifeste l'intention de plaire aux femmes ou de charmer, séduire une femme.
- Goût, recherche des aventures amoureuses, des plaisirs physiques.
- Aventure amoureuse.
- Maladie vénérienne.
- Prostitution pratiquée dans des milieux généralement élégants.
Les trois premières définitions ne font pas état d'une obligation à ce que le sujet de la galanterie soit une femme. Après, il faut reconnaître, ça se gâte. Il est question de conquête, de drague appuyée, avant de tomber dans la chaude-pisse et l'amour tarifé. Ce qui sous-entend que l'homme ne peut-être galant que parce qu'il a dans l'idée de se dégorger le poireau. Une pratique purement égoïste, donc.
À cet endroit précis de l'article, je me souviens de la sensation désagréable que j'ai eu quand j'ai appris que le Père Noël n'existait pas, qu'il y avait quelqu'un dans Casimir, que ce n'était pas Plastic Bertrand qui chantait Ça plane pour moi. Me serais-je à ce point trompé toutes ces années ?
Au début était une belle idée
J'aimerai revenir aux origines de la galanterie et comprendre pourquoi j'ai toujours considéré que rendre hommage aux femmes - que j'aime ou que je ne croiserai qu'une fois - leur faisait plaisir.
L'idée est belle de se conforter aux bonnes manières. Marcel Proust, dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs évoque "La chevaleresque courtoisie du grand seigneur inclinant son respect devant la femme". Cela renvoie à cette notion courtoise du Moyen-Âge, la chevalerie. Considérons les soldats à cheval de l'époque. Ajoutons-y un rang de la femme au plus bas, si on excepte les reines et les d'abbesses. On a du mal à imaginer qu'entre les deux s'invite une courtoisie légère et respectueuse. Surtout à une époque où le viol est rarement puni, en temps de paix comme en temps de guerre, tant il est banal et courant. Double peine, ce crime fait peser sur la femme la honte du déshonneur, en n'oubliant pas la grossesse redoutée. Autre nom, même pratique, les seigneurs peuvent prétendre au "droit de cuissage" sur leurs terres en passant la nuit de noces avec la jeune mariée sans son consentement ni celui de l'époux. Ces mêmes seigneurs qui font la guerre, à cheval, vont aux croisades, et qu'on nomme... chevaliers.
Je n'ai pas réussi à définir avec certitude l'origine de l'idée chevaleresque intégrant courtoisie et honneur. D'un côté, il est question de l'influence de l'église et de l'amour courtois des troubadours et des trouvères. De l'autre, le point de départ se trouverait du côté des arabes, de l'islam et de Mahomet. Ce qu'on appelle l'adab, littéralement "politesse", englobe des écrits destinés à la formation d'un type d'honnête homme, appelé adîb, qui se caractérise par ses bonnes manières, son langage élégant et ses qualités mondaines. Un idéal implicitement musulman visant à mettre l’être en harmonie en intégrant dans sa vie quotidienne des actes et des pratiques en imitation de la vie du prophète Mahomet et des anciens. L’adab couvre à la fois la manière de vivre, de se vêtir, de manger et, de façon générale, de se comporter. Par extension, il est devenu synonyme de "courtoisie" et de "bonne éducation".
Jean-Claude Vadet, dans son livre L'esprit courtois en Orient dans les cinq premiers siècles de l'Hégire sorti en 1969, parle d'un "esprit courtois" d'influence arabe que les troubadours espagnols appellent la cortezia exercé à la faveur des croisades ou à partir de l'Espagne musulmane.
Bref, l'église qui de nos jours n'accepte pas qu'une femme puisse être prêtre, l'islam qui impose le voile aux femmes et des pays de soleil qu'on estime être les plus machos au monde seraient à l'origine d'une forme de respect nouveau, notamment envers les femmes. Bien sûr, il est facile d'ellipser de la sorte avec quelques siècles d'écart. Il en ressort toutefois que les mentalités changent, évoluent dans un sens comme dans un autre et qu'il est important de ne pas rester figé sur ses acquis, ses connaissances, ses sentiments, son éducation.
Pourtant, conserver sa maison droite en effritant ses fondations n'est pas choses aisées. Le ciment de la connaissance doit aider à cela. Dans la deuxième partie de l'article, nous verrons la galanterie aux travers des âges et nous aborderons la polémique à pleines mains. Pour cela, j'ai besoin de votre avis. N'hésitez pas à m'en faire part dans les commentaires et je m'en servirai dans la rédaction de la deuxième partie à venir.
Sources : Wikipédia, www.franceculture.fr, www.histoire-pour-tous.fr, www.passion-histoire.net