Comment bien nommer les voyageurs de l'espace ?
J'ai quelques petites fiertés dans ma vie. L'une d'elles est la création d'un mot, en dehors de la drôlerie de l'Impossible Dictionnaire, qu'on retrouve sur wiktionnaire, parconaute.
De parc, avec le suffixe -naute provenant du grec ancien ναύτης, naútês qui signifie « navigateur ». Voilà ce qu'on lit sur le dictionnaire de Wikipédia.
À l'origine, c'est surtout un mix entre parc d'attractions et internaute. Par extension, le terme est devenu synonyme de fan de parcs. Quand je lance avec mon fils la chaîne Mission japon, je n'hésite pas à me pomper (je vous en prie !) en commençant toutes nos vidéos par un tonitruant "Salut les japonautes !"
On retrouve pas mal d'autres mots en "naute", particulièrement en ce qui concerne la conquête spatiale. Comme vous avez pu le lire dans l'article "Le tourisme spatial, une réalité", nous serons tous rapidement amenés à pouvoir s'envoler vers les étoiles. Il est donc temps d'apprendre comment utiliser les bons termes concernant l'homo spatius.
Astronaute ? Cosmonaute ?
Globalement, quand il est question de désigner une femme ou un homme voyageant dans l'espace, on emploie le terme d'astronaute qui semble être le premier mot à avoir été utilisé pour qualifier une homme s'extrayant de l'attraction terrestre. Son inventeur serait l'auteur belge fondateur de la science-fiction moderne J.-H. Rosny aîné. Dans son court roman Les Navigateurs de l'infini, sorti en 1925, il a introduit le terme d'astronautique. La suite de ce roman, restée inédite jusqu'en 1960, se nomme Les Astronautes.
Pendant la guerre froide, les deux blocs, américain et soviétique, se tiraient la bourre pour être la première nation à envoyer un des leurs dans l'espace. La guerre se gagne aussi sur les choix linguistiques. Les américains étaient des astronautes. Les soviétiques souhaitant se démarquer ont opté pour un autre terme, cosmonaute.
Pourtant, le Dictionnaire de l'Académie française prend le parti d'amener une subtilité entre les deux termes qui n'a rien de géographique. Cosmonaute désignerait un état intermédiaire entre aéronaute et astronaute et qualifierait celui qui parvient à sortir de l'atmosphère terrestre, sans aller jusqu'à toucher un astre.
Raymond Queneau a fait son choix. Dans Zazie dans le métro, il fait dire à son héroïne "je serai astronaute pour aller faire chier les Martiens." Le livre est sorti en 1972.
Et puis vint la France !
On peut toujours compter sur le coq qui chante les pieds dans la merde pour en éclabousser la lexicosphère. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Quand un troisième pays entre dans la "guerre des étoiles", il lui faut un terme propre. Ainsi est né, spationaute. Ainsi est surtout née la confusion. Pendant longtemps - peut-être avez-vous, vous aussi, été dans le même cas -, j'ai associé le terme avec le pays d'origine du voyageur. Il faut dire que pendant la guerre froide, les lanceurs et les voyageurs étaient systématiquement du même pays. Un français était un spationaute, un russe était un cosmonaute et un américain était un astronaute. Erreur. C'est l'origine du véhicule, le pays du lanceur, qui affuble du bon terme son passager. Un français qui rejoint la station spatiale internationale depuis la Russie est un cosmonaute, pas un spationaute.
Et puis vint la concurrence commerciale !
Depuis quelques années, de nouveaux pays investissent dans la conquête spatiale. In fine, le nombre de termes associés évolue progressivement. Je vous propose une petite liste (on va le savoir que j'adore ça) des termes connus à ce jour définissant les marcheurs des étoiles, chaque mot étant suivi du pays d'origine.
Astronaute : États-Unis
Cosmonaute : Russie
Spationaute : France
Taïkonaute : Chine
Vyomanaute (ou gaganautes) : Inde
Globalement, quand le terme existe, il est de bon ton de l'utiliser, sinon, on parle d'astronaute.
Pour finir, je reprendrai in extenso la conclusion d'un article trouvé sur le site de France Culture sur le sujet :
En 2008, dans son ouvrage, Convergence numérique et communication linguistique, le linguiste Frédéric Allinne critiquait ces dénominations : "Comment appellera-t-on en français un astronaute suédois ? Ou un cosmonaute rwandais ? Nul ne sait. [...] Ce serait le seul exemple dans toute la langue française d'un nom de métier adapté à la nationalité du professionnel ! Un danseur, un cuisinier ou un architecte ne changent pas de nom selon leur pays d'origine. Pas davantage dans le sport - haut lieu du chauvinisme, pourtant. [...] Les professionnels francophones de l'information et leur public sont donc invités à renoncer à cette idée reçue absurde selon laquelle il faudrait employer des mots différents pour qualifier les cosmonautes ou astronautes des différents pays du monde. Cette lubie est d'autant plus sidérante que la navigation spatiale ne connaît ni frontières ni contours territoriaux d'aucune sorte."
Sources : wikipédia, www.franceculture.fr, www.laculturegenerale.com, www.cairn.info