La merveilleuse histoire du pq
Je vous ai déjà dit que je me posais des questions cons ? La base d'un blog décalé. Cette fois, alors que le regard au plafond et les genoux semi-pliés, ma vie se situait entre la libératrice position assise et le passage mousseux des menottes sous la cascade du robinet jouxtant le lieu d'aisance, je me suis demandé depuis quand nous utilisions du papier pour nous hygiéniser le trou de balle. M'est alors revenu à l'esprit un texte signé François Rabelais dont le but était de définir la meilleure façon de se torcher. "Tousiours laisse aux couillons esmorche qui son hord cul de papier torche" disait-il. Ce qu'on pourrait traduire par "s’essuyer avec du papier, laisse toujours quelques morceaux aux couillons qui s'y essayent". Donc, on connaissait l'usage du feuillet au seizième siècle. S'en suit une liste d'options au succès mitigé grâce à laquelle on apprend, entre autres, qu'il faut éviter les foulards de satin aux dorures écorchant le fondement, qu'en pleine nature, les orties ne sont pas si désagréables alors que la consoude est source de caquesangue de Lombard que l'on traduira élégamment par une diarrhée sanguinolente. Le créateur de Gargantua poursuit son propos torcheculatif avec moult exemples l'amenant à trouver le Saint Graal de l'anus pas du tout horribilis : "Je dis et maintiens qu’il n’y a tel torchecul que d’un oison bien duveté, pourvu qu’on lui tienne la tête entre les jambes. Et m’en croyez sur mon honneur, car vous sentez au trou du cul une volupté mirifique, tant par la douceur de ce duvet que par la chaleur tempérée de l’oison, laquelle facilement est communiquée au boyau culier et autres intestins, jusqu’à venir à la région du cœur et du cerveau". Je sens déjà pointer les commentaires de Social Justice Warrior option SPA. Pas de polémique, tout cela n'est que littérature. Mais ça ne répond pas à ma question.
Laisser passer les petits papiers
Si on m'avait demandé, à froid, de donner une date sur l'arrivée du pq à côté de nos trônes, j'aurais parié sur le dix-sept ou dix-huitième, associant au siècle des lumières celui du papier cul. Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que l'usage de feuilles de cellulose pour se décrotter le pot datait du deuxième siècle avant Jésus Christ en Chine. Étonnant, non ? Bon, son usage était strictement réservé à l’empereur mais quand même.
Ailleurs sur la planète, au fil du temps, les pratiques se peaufinent. Pourtant il faudra attendre l'Angleterre de 1850 pour que le papier revienne en force avec son industrialisation aux États-Unis. Nous y reviendrons plus tard mais avant cela, je vous invite à un petit voyage dans le temps de l'hygiène anal. Jamais je n'aurai cru, un jour, écrire une même phrase comportant les mots "voyage dans le temps" et "anal".
Les Grecs de l'Antiquité, quand ils s’essuyaient, ce qui n'était toutefois pas une pratique courante - sauf peut-être quand vous l'aviez, la courante -, le faisaient avec les doigts ou de petits cailloux lisses. Toutefois Aristophane précisait que si "Trois pierres peuvent suffire pour se torcher le cul si elles sont raboteuses, polies, il en faut quatre." Je ne sais pas vous, mais moi ça m'a rappelé un film des années 90 avec Sylvester Stallone. Extrait !
Il faut savoir qu'en Asie, on se servait bien de coquillages, particulièrement de coquilles de moules vides. Je suis sûr que vous penserez à moi la prochaine fois que vous dinerez chez Léon de Bruxelles.
Les Romains qui ont tout piqué aux grecs utilisaient également des cailloux. Catulle, poète du premier siècle avant jésus Christ, précise que la classe patricienne se sert de serviettes de tissu. Martial, poète latin d'origine espagnole, nous apprend que dès la fin du premier siècle, la laine, parfois parfumée, est adoptée comme substitut aux cailloux.
Au Moyen Âge, on utilisait un bâton courbe enlevant "le plus gros" et on fignolait avec du foin, des feuilles ou une poignée de terre. ce qu'on avait sous la main, quoi ! À cette même époque, en Chine, le bâton était utilisé depuis très longtemps. C’était d’ailleurs un objet précieux qui passait de père en fils lors de la succession.
Attardons-nous sur le Shit stick !
Lorsque les moines et les missionnaires introduisirent le bouddhisme en Chine et au Japon, ils importèrent également une coutume indienne consistant à utiliser un petit pieu, bâton ou tige pour se défaire du surplus collé après expulsion. En Chine, l'objet en bois de 20 à 25 cm s'appelle cèchóu et au Japon chūgi. La pratique devint vite populaire puisqu'elle avait l'avantage d'être peu coûteuse, le bâton étant lavable et réutilisable.
On sait les japonais très en avance sur le sujet. Aujourd'hui, le premier plaisir d'un occidental foulant pour la première fois le sol nippon est de se précipiter dans les premiers gogues à portée de fesses pour tester jet d'eau très précis et soufflerie divine. Ce n'est pas un hasard puisque les premières toilettes à chasse japonaise datent de la période de Nara (710 à 784), époque à laquelle un système de drainage fut construit dans la capitale de l'époque. Des fouilles archéologiques à Nara ont permis de découvrir de nombreux bâtons de bois chūgi. C'est sûr que les archéologues du futur auront du mal, dans la même situation, à tomber sur un rouleau vide. Si ça se trouve, ils vont penser qu'on s'essuyaient avec des brosses à chiottes. Le niveau du bac baisse d'année en année, les amis. Et les pétitions pour sujet trop dur n'y changeront rien.
Dans les siècles qui suivirent, selon les pays, les climats et les coutumes, d'autres supports furent utilisés allant de l'eau ou de la neige et d'éponge aux vêtements, de végétaux (feuilles, herbes, épis de maïs) aux fourrures d'animaux, de tissus (laine, dentelle, chanvre) aux doigts. vous savez, la fameuse blague : "Quand tu t’essuies, tu utilises la main droite ou la main gauche ? Ah bon, parce que moi j'utilise du papier."
Vos papiers !
Jusqu'au dix-septième siècle, le papier est encore une matière rare et coûteuse. Même si on sait que nombre de manuscrits à la valeur inestimable ont fini par bouchonner l’œil du cyclope. Des archéologues menant des fouilles avant la construction de la pyramide du Louvre ont découvert dans les anciennes latrines de la Cour Napoléon plus de 700 cachets de cire aux armoiries des plus grands personnages de l'époque. Dans les grandes maisons bourgeoises, on utilise un linge, de préférence en velours, pendant que les roturier se contentent d'une toile de lin.
Au dix-huitième siècle, les journaux se développent. Fort logiquement, après lecture sur le trône, ils se recyclent de façon utile et hygiénique. Cette pratique sera tenace jusqu'à l'époque de nos grands-parents.
Puis arrive Joseph Gayetty, premier industriel à investir dans le pq en 1857. En 1891, Seth Wheeler dépose un brevet pour le papier toilette en rouleau. Trois mois plus tard, il améliore le système en imaginant des lignes de perforations permettant de détacher plus facilement les feuillets. À partir de 1935, l'entreprise Northern Tissue parvient à ne plus avoir d'échardes sur le produit fini (sic !).
Cependant, le papier spécifique à usage troudeballesque reste un luxe que se refuse encore beaucoup de foyers. Jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, les Américains utilisent surtout le catalogue de vente par correspondance de la société Seans, vedette des latrines d’outre-Atlantique. Par chez nous, le catalogue de La redoute n'aura pas le même succès, faute à l'utilisation d'un papier trop lisse, plutôt glacé. Cependant, les pages de lingerie féminine auront grand succès dans les toilettes mais pour une toute autre raison.
Des chiffres qui resteront dans les annales
Je ne sais pas de quand exactement date les statistiques suivantes sur l'utilisation du pq - je pense probablement d'une dizaine d'années - mais je vous les propose quand même parce qu'ils ont une valeur comparatoire :
États-Unis : 10 kilos par an/personne
Norvège : 8 kilos par an/personne
Canada : 7 kilos par an/personne
France : 4,6 kilos par an/personne
Belgique : 4,5 kilos par an/personne
Suisse : 4,5 kilos par an/personne
Espagne : 3,9 kilos par an/personne
Portugal : 3 kilos par an/personne
En Europe, le marché du pq s'élève aujourd'hui à 8,5 milliards d'euros et représente 26 % de la consommation mondiale. Bon, il comprend aussi l’essuie-tout qui comme son nom l'indique ne le destine pas uniquement à notre troublant orifice, même si quand on pense à lui, on évoque plutôt son côté trou noir. Le marché mondial quant à lui est estimé à 45 milliards de dollars, la plus forte croissance de ces dernières années venant de la Chine et du Brésil.
Pour revenir sur les vieux chiffres ci-dessus, des stats plus récentes font état de 24 kilos par personne et par an pour les américains contre 6 kilos pour les français. On va encore dire qu'on est que des gros dégueulasses. Non messieurs, nous sommes écologiques parce que....
Gardons (aussi) la planète propre !
Le WWF dénonce l'usage abusif de pq issu de fibres vierges en préconisant l'utilisation de papier recyclé. Chaque jour l'équivalent de 27 000 arbres par jour serait abattus pour nous lustrer le siège.
Autre info écolo, le papier toilette jeté dans les canalisations augmente le taux de matières organiques à traiter dans les stations d'épuration, Ce qui implique l'utilisation accrue de produits chimiques. Un problème aggravé, on ne le sait pas assez, par ces nouveaux tubes de papier toilette soluble dans l'eau qui encouragent les utilisateurs à les jeter dans la cuvette, entraînant ainsi une surconsommation de produits chimiques.
Quittons-nous sur la question ultime
Pourquoi le pq est-il majoritairement rose ? On pourrait se dire que le marron permettrait un ton sur ton logique, que le blanc symbole de pureté enverrait aux consommateurs une image de propreté, mais rose ? C'est qu'il faut sourire à l’œil avant de satisfaire l'oignon pour que l'un ne fasse pas pleurer l'autre. Le rose, c'est la couleur qui rappelle la fleur de l'amour, son parfum léger, sa rosée perlante et, accessoirement, ça permet de bien se rendre compte de ce qu'on récupère. Parce qu'à part peut-être quelques licornes ou princesses, on chie rarement rouge pâle même en spray hémorroïdal. Et puis dans nos contrées, la couleur rose est associée au bonheur et à la douceur, surtout en triple épaisseur.
Finalement, il reste encore une question que je me pose et dont vous seuls pouvez me donner la réponse. Ai-je réussi à traiter le sujet sans sombrer dans la vulgarité la plus dépravée ? Vos avis sont les bienvenus en commentaire.
Sources : Wikipédia, www.dorffer-patrick.com, dinosoria.com, www.maxisciences.com
Comme d'habitude un pur moment de bonheur et de bonne humeur avec ton humour pour le moins "décapant" sur le sujet :les rouleaux de printemps !
C'est gentil, merci Odile ! 🙂