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Les Amérindiens dans notre quotidien (part 5)

17 Nov 2019 | Les miscellanées | 0 commentaires

Dans l'inconscient collectif, quand on parle des "indiens", on imagine de longues coiffes de plumes, des flèches qui fusent, un calumet de la paix qu'on se passe autour du feu, une main de peinture sur la croupe d'un cheval monté à cru, peut-être même une attaque de diligence et des scalps fraîchement récoltés. Bref, nos esprits sont encombrés d'images dont nous a régulièrement abreuvées le cinéma hollywoodien. D’ailleurs, cette série d'articles est pour le moment le reflet de ce bourrage de crâne.

Amérindiens du sud

Lors de la quatrième partie, je vous listais les peuples des native peoples d'Amérique du Nord. Cependant, le terme "Amérindien" recouvre l'ensemble des populations indigènes de "toutes les Amériques". Information d'autant plus importante que sur les 47 millions d'Amérindiens recensés de nos jours, 44 millions se situent en Amérique du Sud. Ils représentent :

  • 55% de la population (+ 30% de métisses) en Bolivie
  • 45% de la population (+ 37% de métisses) au Pérou
  • 39% de la population (+ 42% de métisses) au Guatemala
  • 25 % de la population (+ 55% de métisses) en Équateur
  • 9% de la population (+ 75% de métisses) au Mexique
  • 7% de la population (+ 90% de métisses) au Honduras
  • 6% de la population (+ 70% de métisses) au Panama
  • 5% de la population (+ 69% de métisses) au Nicaragua
  • 5% de la population (+ 93% de métisses) au Paraguay
  • 3,2% de la population (+ 44% de métisses) au Chili
  • 2% de la population (+ 69% de métisses) au Venezuela
  • 2% de la population (+ 58% de métisses) en Colombie
  • 1% de la population (+ 8% de métisses) de l'Argentine
  • 1% de la population (+ 86% de métisses) au Salvador
  • 1% de la population (+ 12% de métisses) du Brésil
  • 0% de la population (+ 8% de métisses) en Uruguay

À titre de comparaison, aux États-Unis, les amérindiens représentent aujourd'hui 1% de la population auquel on peut ajouter 0,5% de métisses. Bref, l'impérialisme américain (du Nord), n'est pas un vain mot.

Impérialisme du Nord

Allez, laissons-nous aller à un peu de propos poil à gratter. Cela fera décamper les puces de liste ci-avant. Mais avant de parler d'impérialisme, attardons-nous sur la définition de l'empire : "forme de communauté politique unissant des peuples différents autour d'un pouvoir central unique". Globalement, on imagine donc l'impérialisme comme une politique de conquête de nouveaux territoires en dehors de la terre mère (et de ceux déjà conquis) afin d'y asseoir sa main mise. Bon, asseoir une main, c'est pas évident, mais vous avez compris l'image. Du côté des États-Unis, il a d'abord été question de s'implanter sur l'ensemble du continent. La fameuse conquête de l'Ouest. Avez-vous déjà entendu parler de la Frontière. En anglais, on l'appelle the Frontier. Il faut dire que le terme nous a été emprunté au XVe siècle par les anglophones.

Pour faire simple, dans l'histoire américaine, la Frontière est la ligne marquant la zone limite de l'implantation des populations d'origine européenne. Vous avez déjà vu dans les westerns ou même dans les albums de Lucky Luke, ces longs convois de chariots qui migrent vers des terres nouvelles faisant bouger la Frontière. De John Ford à John Wayne, Il s'agit du sujet majeur de nombreux films à Stetson tournés dans les années 60. Pour les gamers, il est question de la Frontière dans Assassin's Creed III.

Conquête de l'Ouest

On parle de conquête de l'Ouest parce que ce qu'on peut décemment appeler une colonisation se faisant d'est en ouest. L'existence officielle de la frontière prit fin en 1890 quand le Bureau du recensement des États-Unis déclara que l'ensemble du territoire était suffisamment en maîtrise pour se dispenser de l'étude du mouvement de la population. En 1893, lors de l'exposition universelle de Chicago, l'historien Frederick Jackson Turner s'exprima sur le sujet affirmant que l'esprit de la Frontière avait entièrement modelé la société américaine. Les colons avaient vécu dans un monde vierge qu'il leur avait fallu conquérir en faisant preuve d'un "exceptionnel" esprit d'initiative et d'innovation. Une vision plutôt idyllique, sans nuance, de ce qui a provoqué le génocide des Amérindiens. Le gars, quand sa maison brûle, il invite ses potes et sort les merguez.

Les territoires conquis, on dit même qu'au XIXe siècle, les bisons furent proches de l'extinction à cause de leur chasse intense dans le seul but d'exterminer les amérindiens en leur retirant leurs moyens de survie. On verra plus bas une autre raison à ce massacre mais d'ors et déjà, je propose qu'on modifie les lettres annonçant "Hollywood" pour un "lamentable" bien mérité.

Bisons de l'Est (enfin, je ne sais pas si y en a plus dans l'est mais, bon, c'était pour coller avec les titres en points cardinaux, facilité, tout ça !)

Digressons un peu du côté du bison. Saviez-vous qu'amérindiens et Bisons ont suivis la même route, immigrant l'un et l'autre d’Asie via le détroit de Béring. C'est quand même classe quand ton casse-croûte te suit (ou te précède) sur les chemins sinueux de l'inconnu. Il faut dire que les bisons offraient aux autochtones tout ce dont ils avaient besoin :

  • La peau tannée était utilisée pour les tipis, les vêtements et les sacs
  • La même avec des poils constituait une chaude couverture
  • La cervelle et la moelle permettait de lisser les peaux
  • Le cuir de l’encolure, particulièrement épais et résistant, fournissait les boucliers.
  • Les cornes devenaient des louches
  • L’estomac faisait office de marmite
  • Les poils tressés servaient de ficelle
  • Les tendons devenaient des cordes d’arc ou du fil à coudre
  • Les sabots bouillis étaient à la base de leur colle
  • La vessie et les intestins devenaient des outres pour transporter l’eau
  • Les os se muaient en aiguilles, pelles, couteaux, grattoirs, pointes de flèches, ornements vestimentaires, instruments de musique...
  • Même la bouse séchée servait de combustible dans les régions dépourvues de bois.

La viande quant à elle, maigre et riche en protéines, étaient consumée dans tous les états possibles : fraîche, rôtie, bouillie. Toutefois, le plus souvent, elle était coupée en tranches minces et séchée au soleil, réduite ensuite en poudre puis mélangée à de la graisse et à des fruits. Ainsi transformées, elle constituait une conserve très nourrissante permettant de tenir durant les longs mois d'hiver. On comprend aisément à la lecture de cette liste que la survie des amérindiens du Nord étaient intimement liée à celle des bisons.

Des c(ol)ons complètement à l'Ouest

À partir de 1870, le gouvernement américain ordonne aux chasseurs de décimer du bison, une méthode tellement plus pleutre d'exterminer les indiens, évitant de s'attaquer directement aux valeureux guerriers à plumes.

Entre 1872 et 1884, furent massacrés un peu moins de 4 millions de bisons. En 1900, le dernier troupeau de 220 têtes est sauvé in extremis. Comme la chasse n'avait d'autres buts que de priver de ressources vitales les amérindiens, les carcasses pourrissaient sur la plaine. Affamés et par ailleurs pourchassés, les natifs rendent les armes et sont placés en réserve où il vivent encore aujourd'hui. Pour être parfaitement honnête, cette chasse avait un autre but, tout autant impérialiste, celui d'aider à l'extension du chemin de fer transcontinental. D'ailleurs, certaines histoires prétendent que des voyageurs s'amusaient à faire des cartons depuis les wagons. Et puis, allez, parlons du héros, William Frederick Cody dit Buffalo Bill. Lui était payé par la Kansas Pacific Railway pour chasser le bison. Il en dégomma précisément 4 282 en 18 mois. Il entra dans la légende sous le nom de Buffalo Bill parce qu'il nourrissait les ouvriers du Chemin de Fer en buffalo steak. Oui, si vous n'aviez pas deviner, buffalo, c'est bison en anglais. Un acte moins glorieux consacra plus encore le "héros" quand il gagna un duel contre Bill Comstock en tuant 69 bisons contre 48 en une journée. Juste comme ça, pour le fun.

Pour preuve de l'acte impérialiste qu'est la conquête de l'Ouest, Claude Julien, dans son livre Le Rêve et l'Histoire, met en parallèle guerre du Vietnam et guerre indienne. Il prend en référence le cinéaste américain Ralph Nelson qui, voulant dénoncer le massacre de My Lai, utilise la forme western avec Soldat bleu dont l'action se passe pendant le massacre de Sand Creek. Le titre fait référence non pas à la couleur, comme les Tuniques bleues, mais à l'inexpérience, la bleusaille, parce que dans les deux cas se trouvaient de jeune recrues, inexpérimentées. Cette inexpérience donna lieu a des actes ignobles et indignes.

Quelques années après la fin officielle de la Frontière et le dernier grand massacre d'Indiens à Wounded Knee, les États-Unis s'engagèrent dans une guerre sanglante aux Philippines. Impérialisme et colonialisme sont sur un bateau et c'est l'humanité qui coule emmenant avec elle 116.000 Philippins dont, le chiffre est effrayant, 100.000 civils. Et dire qu'après ça, je continue toujours et encore à vouer une vraie passion pour les États-Unis. Je me demande si je ne serais pas un peu con.

Histoire de mettre mon mouchoir sur cette gênante contradiction, promis, la prochaine fois qu'on parlera amérindiens, j'axerai l'article entièrement sur l'Amérique du sud.

Sources : Wikipédia, secouchermoinsbete.fr, amerindien.e-monsite.com, nationsindiennes.over-blog.com

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