L'actualité de ces derniers jours nous offre de la plus sale des façons la possibilité de vous révéler un nouveau mot d'origine amérindienne. Le 1er mai, le Huffington Post version française titrait "Contre le confinement dans le Michigan, des hommes armés envahissent le Capitole." Et l'article de continuer "Une scène tout à fait légale, comme l’a assuré la police locale à NBC News : il est égal de porter des armes dans le Capitole, comme dans le reste de l’État du Michigan." Je vous laisse vous faire une idée de la situation, ce n'est pas l'objet de cet article, même si ça me démange la machine à coups de gueule. Sachez juste que le nom de cet état des États-Unis est d'origine algonquine et provient d'un des 4 grands lacs qui le jouxte, lac que les autochtones, avant l'arrivée des armes à feu sur leur territoire, nommaient metchagamiwi, "la grande mer".
Oublions maintenant l'actualité le temps de la lecture de cet article pour plonger dans l'étonnante histoire des mots d'origine amérindienne que nous utilisons encore aujourd'hui. Après la première partie, en voici 10 de plus.
ANANAS
Quand je pense à ce fruit, c'est l'Afrique qui me vient en tête. Quelle ne fut donc pas ma surprise d'apprendre que l'étymologie de ce que l'explorateur français de 16è siècle Jean Fonteneau comparait à un artichaut - je suppose avant d'y goûter, non parce que sinon le gars était clairement atteint d'agueusie - est sud-américaine. C'est d'ailleurs Christophe Colomb qui remarqua l’ananas en Guadeloupe, en 1493. 40 ans plus tard, le fruit arrive sur les tables des grands d'Espagne.
Originaire du Paraguay, ce sont les Garanis que j'évoquais dans Les Amérindiens dans notre quotidien (part 7) qui baptisèrent le fruit du nom d'ananas, "nana" signifiant "fruit", mais aussi "excellent" et "parfumé". La prochaine fois que je parle de nanas, les filles, souvenez-vous en et soyez en ravies. 😉
Une info pas très drôle sur le peuple garani, peuple qui existe encore aujourd'hui. Enfin, qui survit autant qu'il peut. Ils sont environ 80 000 individus mais une étude datant de 2014 évoque que les Guarani-Kaiowá détiennent le taux de suicide le plus élevé au monde. En cause, le développement massif agricole que prône toujours aujourd'hui Bolsonaro. Ils se font expulser de leurs terres transformées en fermes d’élevage et en plantations de canne à sucre. L'expropriation des indiens, tel que je les vue la semaine dernière dans un vieux film de 1955 maté sur Disney+, "Davy Crockett, roi des trappeurs", est encore d'actualité à notre époque. Les technologies évoluent mais les hommes ne changent pas. Triste constat.
Revenons à du plus gai - mais n'oublions pas, jamais, l'information ci-dessus - avec Louis XIV qui fit planter des ananas sous serre au château de Choisy-le-Roi pour satisfaire au bon plaisir de la nana du roi, sa maîtresse, Madame de Maintenon.
TOMAHAWK
Même si je savais qu'il désignait une hache de guerre au pays des guerriers à plumes, je me disais bêtement que ce mot était d'origine anglaise à cause de sa dernière syllabe, hawk, qui signifie Faucon. C'est qu'une grande partie de mon vocabulaire anglais à l'adolescence je le tient de mes lectures des comics Marvel. Hawkeye, Œil-de-faucon, tout ça.
L'origine du mot est finalement algonquine. Mais sans doute que le passage de l'amérindien à l'américain a inséré du rapace au mot puisqu'à son origine il ressemblait à "oto:mahùk" signifiant "frapper" ou "renverser". D'autres linguistes prétendent que le mot originel est "temaHikani", composé de "temaH" couper et du suffixe "kani" instrument, soit "instrument pour couper". Logique.
Si on parle à son propos de hache de guerre, c'est en effet parce que c'est elle que déterraient les Amérindiens pour signifier qu'ils entraient en guerre. Elle était plantée dans un poteau jusqu'à la fin de la guerre, jusqu'à ce qu'on fume le "calumet" de la paix.
"Calumet" qui par ailleurs n'est pas un mot d'origine amérindienne mais issu du patois normanno-picard même s'il est associé au primo-peuple américain. Il désigne cette longue pipe que notre inconscient collectif associe aux Indiens, après des dizaines d'années de films western.
Aujourd'hui, le mot tomahawk est associé à un type de missile. C'est aussi le nom d'un roller coaster de PortAventura, un parc d'attractions espagnol qu'on évoquera à nouveau plus tard (si si !). Géographiquement, Tomahawk est le nom d'une ville du Wisconsin ou d'un hameau du Comté de Parkland dans la province canadienne d'Alberta. Enfin, ce terme est connu des fans de basket puisqu'il s'applique à un dunk à une main où la balle est maintenue derrière la tête, puis rabattue dans le panier avec force.
IGUANE
Bien que ce soit le surnom d'Iggy Pop, ce dernier n'est pas indien mais d'origine irlandaise par sa mère et suédoise par son père. Son surnom lui vient de sa période post-Stogges, quand il était batteur entre 1963 et 1965 pour les Iguanas. D'ailleurs Iggy est le diminutif d'Iguane.
Ce lézard géant originaire d'Amérique du Sud doit son nom aux Arawaks, des Amérindiens des Antilles issus de la forêt amazonienne. Plus qu'un peuple l'Awarak est une famille linguistique à laquelle se rattachent de nombreuses populations d'Amazonie comme les Caraïbes.
L'animal sera popularisé par Tennessee Williams avec sa pièce en trois actes, La Nuit de l'iguane, qui fut adaptée en France dans les années 70 par nul autre que Marcel Aymé - j'adore cet auteur, sachez-le. L'histoire raconte la nuit passée par des personnages, dont un révérend défroqué accusé du viol d'un jeune fille de 16 ans, dans un hôtel perdu de la côte mexicaine. Un iguane est retenu par une corde près de l’hôtel pour être engraissé avant d’être mangé.
SAVANE
Tout comme pour l'ananas, la savane est intrinsèquement associée à l'Afrique ou à Papy Brossard si vous êtes un petit gourmand, ce qui revient au même. En effet, quand en 1962, la marque de Georges Brossard décide de lancer ce qui restera dans l'histoire de la bouffe industrielle comme le premier gâteau longue conservation, le nom de Savane est retenu pour rendre hommage à la passion de celui-ci pour l'Afrique. Le concept ne s'arrête pas là puisque le côté marbré rappelle les rayures du zèbre.
Cette prairie de hautes herbes, apanage des régions tropicales, se trouve un peu partout sur la planète. Afrique orientale, Nord de l'Australie mais aussi Amérique du Sud et Caraïbes. Et c'est de ce dernier territoire que vient le mot, passé d'abord par l'Espagnol. "Zavana" est un mot issu du taïno, une langue arawakienne parlée par le peuple du même nom.
IGLOO
Après Papy Brossard, restons dans les personnages de pub avec "Captain Igloo". Cette manie qu'ont les publicitaires à vouloir rassurer les enfants en personnifiant leur produit à du vieux, du barbu, du rassurant assurément. Si c'est dans les années 80 que "naît" le "papa" du Savane, notre capitaine dont le grade est donné en anglais même si la société est belge accoste sur les côtes de la réclame en 1967. Dans les années 2000, Iglo - non parce qu'en fait, j'en toujours cru que c'était Captain Igloo avec 2 "o" mais en fait, il n'y en a qu'un seul - rajeuni l’emblème de la marque. Des consommateurs mécontents gueulent. Faut vraiment rien avoir à foutre. Chacun son combat. Et donc, finalement, le vieux barbu revient dans les écrans pub.
Tout ça pour dire que Igloo signifie "maison" en inuit ou chez les esquimaux comme on dit chez Gervais. Ben oui, comme on est dans la pub, la boustifaille et le régressif...
COUGAR
Catégorie courue des sites porno dont l’appellation vient de la série TV américaine Cougar Town, le cougar, au masculin, est avant tout un grand chat sauvage des Amériques au pelage sans taches, le plus grand des carnassiers du Nouveau-Monde. On l'écrit parfois "couguar" du fait de sa provenance portugaise avec "cuguardo". Et c'est là qu'on se dit que l'expression "portugaises ensablées" prend tout son sens. Comment du tupi (une famille de langues amérindiennes contenant environ 70 dialectes de peuples natifs du Brésil, de la forêt amazonienne, et du Paraguay) "susuarana" sont-ils arrivés au nom que nous connaissons aujourd'hui ? "Susuarana" peut se traduire par lion de montagne, un des synonymes encore utilisé de nos jours pour parler du cougar. Les autres étant tigre rouge, tigre poltron, lion d'Amérique, lion du Chili, lion des Péruviens ou, le plus connu, Puma. Rassurez-vous, je ne vais pas une nouvelle fois digresser vers la pub. Varions les plaisir, que diable !
Le cougar fut un temps une espèce menacée mais depuis quelques années, il revient en force sur les territoires américains, particulièrement ceux du Nord.
JAGUAR
Il n'en est malheureusement pas de même du jaguar dont l'espèce est menacée. La cause, 50 % de son habitat d’origine a été détruit en Amérique du Sud. À la différence du cougar, le jaguar possède un pelage tacheté, le rapprochant du léopard.
Comme pour le précédent félin, l'origine de son appellation est tupi. "yaguareté" signifie "vraie bête". Les premiers colons espagnols l'appelait "el tigre".
Autant pour "cougar", je préfère le masculin, autant, je ne dirais pas non au féminin de "jaguar". Voilà, voilà ! C'était juste pour dire.
Le jaguar a marqué de son empreinte l'ensemble des mythologies sud-américaines, symbole de puissance et de force. La culture Moche, au nord du Pérou, l'utilise comme symbole de pouvoir sur un grand nombre de céramiques. Oui oui, la culture moche existe et n'est pas ce que vous imaginez, rien à voir avec celle du kitch. Parfois appelée Mochica, la culture Moche est une culture précolombienne pré-incaïque de la côte nord péruvienne qui connue son heure de gloire entre 100 et 700 après JC. Maintenant, si par mégarde un malotru vous traite de moche, vous pourrez le remercier avec sourire puisque l'insultant individu rendra hommage sans le savoir à l'histoire des peuples amérindiens en vous nommant comme leur descendant direct.
Les Olmèques développeront le concept de l'homme-jaguar, représentés obèses, la bouche ouverte montrant des crocs et le corps habillé d'une peau de jaguar. Maintenant, si par mégarde un malotru vous traite d'obèse...
Une superstition amazonienne prétend que le félin aurait une curieuse méthode de pêche en agitant sa queue au-dessus de l'eau pour attirer les poissons avant de les attraper. Un peu comme le Marsupilami, tiens ! T'as qu'à voir l'état de la queue si c'est un banc de piranhas qui s'y colle.
PIRANHA
Puisqu'on en parle - promis, ça sera le dernier animal de la liste du jour - intéressons-nous au piranha. Vous savez, ce petit poisson carnassier et vorace qu'on a pu croiser dans bon nombre de films d'aventure ayant comme décor l'Amazonie. Contrairement à la légende véhiculée dans les salles obscures, les piranhas ne s'attaquent pas systématiquement aux êtres vivants, seulement s'ils sentent la présence de sang dans l'eau. D'ailleurs, le mot désigne non pas une mais plusieurs espèces de poissons d'eau douce (on en découvre régulièrement de nouvelles) dont certaines sont herbivores. Ça casse le mythe, hein !
L'origine du mot est une nouvelle fois tupi, piraia pouvant se traduire par "poisson avec des dents".
CANOT
Laissez-moi vous mener en bateau avec cette série d'embarcations aux noms d'origine amérindienne.
"Canot", en passant par l'étape espagnole "canoa", vient de l'arawak kanoa qui signifie "flotter sur l'eau", le terme désignant une grande pirogue en bois monoxyle, nom donné aux constructions issues d'une unique pièce de bois taillée dans un tronc d'arbre.
Le mot "canoë" issu de la même origine apparaît en France en 1584, quand Leroy parle de « canoes indiennes », sans tréma. J'ai dégoté cette phrase sur Wikipédia mais après moult recherches, pas moyen de savoir qui est ce Leroy. Si vous avez l'info, je suis preneur.
Pour définir le mot "canot", j'évoquais la pirogue. Nom d'origine maya selon les uns, caraïbe taino selon les autres, piragua désigne un petit canot.
Plus au Nord - c'est le Nooooorrrd ! - on parle plutôt de kayak, un joli palindrome d'origine inuit que l'on peut traduire par "bateau de peaux". On parle aussi d'oumiak, grand canot en bois (ou os de baleine) et peau de phoque.
OURAGAN
En langue française d'abord "huracan", puis "houragan" pour enfin devenir notre actuel "ouragan". On remarque que le premier terme est très proche de sa traduction anglaise "Hurrican". Bien sûr, l'origine est commune et provient de l'indien caraïbe hunraken signifiant "dieu des tempêtes". C'est assez dingue de penser que notre vison du monde devenue laïque s'exprime parfois par l'intermédiaire de divinités précolombiennes.
Le passage du "k" en "g" peut s'expliquer par le mélange d'espagnol et de caraïbe parlé dans les petites Antilles où la pratique est courante pour d'autres mots. Une explication qui en vaut bien une autre.
Par ailleurs, je ne résiste pas juste à citer le nom d'Hurakan Condor, cette tour en chute libre de 100 mètres que je kiffe à chaque fois que j'ai la possibilité de me rendre à PortAventura. Je vous avais dit que j'y reviendrais. Vous le savez maintenant, les parcs d'attractions sont une de mes grandes passions.
Comme j'aime aussi vous cultiver - vous êtes mes champs à moi, des champs lexicaux au pays de Mexico, mais vous laisse la récolte de vos lectures en ces lieux qui refusent le confinement culturel -, sachez que cette forte tempête tourbillonnante change de nom selon le lieu où elle se produit :
- Ouragan dans le sud de l'Atlantique nord,
- Typhon dans le Pacifique,
- Cyclone dans l'Océan Indien et sur le golfe du Bengale,
- Willy-willy dans les régions australes,
- Baguia aux Philippines.
Voilà, c'est fini pour aujourd'hui. À bientôt pour 10 nouveaux noms d'origine amérindienne qui nous permettront une nouvelle fois d'aborder des tonnes de sujets différents, souvent étonnants, toujours intéressants.
Sources : Wikipédia, www.lesfruitsetlegumesfrais.com, www.lecture-ecriture.com, www.lsa-conso.fr, www.jacqueslanciault.com, wwf.be, www.aquaportail.com, www.meteo.org